vendredi 16 novembre 2007

La Banquet des Cendres

Enthousiasmée par le premier spectacle d'Antonio Latella, je suis allée voir sa deuxième pièce présentée à l'Odéon - Théatre de l'Europe. La cena de le ceneri, en français le banquet des cendres, est l'adaptation d'un texte d'un certain Bruno, inconnu au bataillon pour ma part, qui y élabore une vision du monde et du cosmos à partir des thèses de Copernic (la Terre qui tourne autour du Soleil et sur elle-même, et pas l'inverse, à l'encontre des convictions de ce temps-là).

La pièce commence devant le rideau par un dialogue à quatre voix autour de conversations savantes et progressivement en vient, dans les tableaux suivants, à faire vivre les savants dont il est question. Les quatre comédiens excellent. Dans le rôle de l'intellectuel austère aux prises avec ses compères dans une joute oratoire, qui vire par moment à l'exercice de diction. Dans une première esquisse pour donner vie aux savants évoqués, où ils font se mouvoir des poupées, marionnettes grandeur nature qu'ils tiennent à bras le corps. Un joli travail sur le corps et sa représentation, qui aboutit à une scène véritablement mémorable (imaginez l'italien bavard qui parle avec ses mains de manière chronique, animant de ces mêmes mouvements les bras et les mains de la poupée de chiffon-marionnette qui lui colle au corps). Voir les photos en bas de page ici. Une belle idée de mise en scène, magnifiquement exécutée.

J'ai eu plus de mal avec la seconde moitié de la pièce. On passe à une scène où on trouve des personnages déguisés en savants et aristocrates du temps de Copernic (j'imagine), avec tout un attirail et des attributs qu'on a parfois du mal à comprendre (l'un porte une chaise sur son dos?!). Ils évoluent en douceur dans bassin d'eau, bruissements de l'eau qui coule en fond sonore. Se mettent à parler en anglais, qui avec un accent italien, qui avec un accent d'Oxbridge. Il devient plus difficile de suivre le dialogue, les comédiens sont à l'arrière de la scène, on les entend moins bien. Un personnage central austère, qui essaie de convaincre les autres, savants officiels ou pseudo-savants aristocrates de sa vision du monde, à contre-courant de l'esprit du temps.

Les choses se gâtent ensuite: cela finit par une condamnation en grande pompe de l'hérétique, dont on représente le procès et la sentence, puis l'éxécution (à mi-chemin entre l'évocation d'un bûcher et d'une crucifixion). Tout cela est très visuel et très sonore et on s'y perd un peu à en chercher le sens derrière les effets spéciaux. La fin surtout, plus que surprenante, trop décalée: projection sur grand écran des images d'une naissance en directe, gros plan sur la tête du nouveau-né qui émerge des entrailles de sa mère. Une telle utilisation de ces images brutes pour figurer l'idée d'une renaissance (intellectuelle, malgré l'élimination des hérétiques?), personnellement, ça ne m'emballe pas du tout. Cela me fait mal dans le bas-ventre, bien plus qu'autre chose... Sarà che sono una donna!

Sans conteste, le choix de ce type de texte pour une adaptation théatrale - un banquet philosophique - relève du défi. Il en sort de très bonnes choses et d'autres plus discutables. Mais au total un ensemble un peu décousu, inégal, avec quelques longueurs dans la seconde partie notamment.

Mon verdict: à voir pour l'excellence du jeu des acteurs, performance exceptionnelle à plus d'un titre. Jusqu'au 18 novembre, informations ici.

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