jeudi 29 novembre 2007

Maeterlink par Marthaler

Cela commence par une entrée en matière qui est une véritable épreuve: un long dialogue sonore entre un piano et une demi-douzaine de machines à coudre. Une scène interminable, de longues minutes où les personnages se regardent en chien de faïence et à peine quelques mots épars sont prononcés. On se prend à se demander si l'on est bien au théâtre et ce qu'on est venu faire là.

La salle tousse, s'agite ou s'enfonce dans son fauteuil, manifeste son mécontentement. Une hémorragie qui part du milieu des rangs (il faut être passablement excédé pour faire se lever dix personnes afin de gagner la sortie!). Certes, venir écouter le bruit des machines à coudre pendant vingt minutes un soir de semaine après une journée de travail, on peut comprendre que cela ne soit pas du goût de tout le monde.

Et pourtant, le décor et les personnages sont posés. Nous sommes dans un atelier de confection textile quelque part en Flandres, un hall plutôt lugubre, entre ouvrières-couturières qui s'affairent et personnages au regard hagard qui les tiennent à l'oeil. Le pianiste donne le tempo.

C'est surprenant, déroutant, facétieux et musicalement ingénieux. Marthaler a composé un tableau à peine animé avec sa bande sonore. L'action est réduite au minimum, les personnages sont perdus, tiennent des rôles absurdes, mystérieux. Le metteur en scène suisse mélange les langues et les musiques, les rares mouvements sur la scène sont étudiés et précis au millimètre. Un beau travail sur le chant de la part des comédiens, une musicalité très réussie qui va jusqu'à jouer sur les sonorités des langues (français, néerlandais, allemand, anglais).

Marthaler fait sa petite cuisine personnelle en nous livrant un spectacle en majeure partie chanté qui entremêle extraits du répertoire lyrique et chansons populaires, parfois même scatologiques. Associations audacieuses. Ceux qui ont horreur du burlesque, s'abstenir.

Au final on ne peut s'empêcher de trouver l'ensemble finement orchestré, minutieusement composé, d'apprécier l'ingénuité de la chose. Même si on a trouvé certains passages longs et gris et on se dit que Marthaler abuse un peu de nous imposer cela... Disons qu'il vaut mieux y aller bien disposé et pas fatigué pour pouvoir apprécier. Il y a sans aucun doute quelque chose de génial dans l'art de Marthaler. Je n'ai vu pas tant de ses spectacles, mais je me souviens très bien d'un Faust qui reste l'un de mes souvenirs de théâtre les plus marquants.

Voir aussi une critique assez juste je trouve dans Le Monde du 29/11/07.

Au théâtre de l'Odéon jusqu'au 4 décembre. De 7,50 à 30€ la place (soit dit en passant il y a de très bonnes places à 7,50€ dans les baignoires les plus proches de la scène, sur le côté mais c'est sympathique de voir de près le visage des acteurs)

mardi 27 novembre 2007

Alors, comment tu te sens à Paris?

Question récurrente ces temps-ci. Les amis semblent s'être donné le mot pour me faire réfléchir à la question. Mah, sta domanda...

Ma réponse spontanée, immédiate, la première chose qui me vient à l'esprit: étrangère. Touriste. De moins en moins? Pas vraiment. Certes, j'ai fait des progrès: j'ai appris à reparler français à peu près correctement sans chercher mes mots ni changer de langue quand je ne trouvais tout de suite le bon, et les mots italiens ne fusent plus à tort et à travers. Les premières semaines, c'était drôle, il y a des gens qui me prenaient pour une touriste italienne.

Terre à la fois familière et étrangère. Francophone, francophile, franco-centrée... parfois un peu trop, mais tout dépend des choix qu'on fait finalement. On peut vivre 100 vies différentes ici. Je me surprends à continuer à lire les journaux étrangers. Des choses qui me rappellent mon enfance française. Des retrouvailles avec des gens qui ont changé, visages familiers mais personnes qui ont suivi leur propre chemin.

Etrangère, doublement. Cette impression de vague décalage qui s'entête. Le rythme de mes semaines. Mes préoccupations qui n'ont pas grand-chose à voir avec celles des connaissances. Mes références exotiques du quotidien qui ne sont pas les leurs, et les leurs que je n'ai pas. Les amis les plus "proches" éparpillés dans les pays limitrophes et le style de vie qui s'en suit. Je continue à me perdre et je sais rarement où aller pour trouver ce que je cherche. Peut-être le meilleur moyen d'apprécier la ville? Je retrouve aussi avec plaisir certains traits d'une société multiculturelle - qui, en dépit de tous les dysfonctionnements qu'on peut déplorer, en tire une grande et belle richesse.

On pourrait aussi ramener l'interrogation à la question centrale: Comment te sens-tu? Demande rhétorique à laquelle un matin, sur un coup de tête, on décide de répondre véritablement, ce qui a généralement pour effet immédiat de mettre l'interlocuteur dans un bel embarras. Le décor n'est peut-etre plus si déterminant une fois qu'on s'est habitué à en changer souvent... j'aimerais croire le contraire.

Deuxième pensée, une autre question: mais au fait, cela fait combien de temps que je me suis installée à Paris? Un mois, non, plus. Début octobre, fin septembre? Le retour fut cahotique à souhait. Il s'est étiré dans le temps et l'espace au point de devenir difficile à dater... de quoi avoir un peu le tournis au début.

Un peu trop tôt pour dire, non?

dimanche 18 novembre 2007

Paris Photo: le bazar de la photo d'art?

Je suis allée voir Paris Photo au Carroussel du Louvre, que l'on disait un rendez-vous incontournable de la photographie contemporaine, et qui est en fait une foire où sont représentées principalement des galeries. Qui présentent les oeuvres-phares de leurs artistes-phares, certes. Plus un endroit pour voir les grandes tendances du marché de la photo d'art et de l'édition qu'une véritable exposition où admirer dans son ensemble le travail d'un artiste. De belles pièces, mais le tout m'a laissé une impression mitigée: pas vraiment moyen d'avoir un peu de perspective sur les oeuvres, on se retrouve souvent collé aux cadres, rarement l'occasion voir plus de 3 oeuvres d'un même artiste, parfois dans trois séries différentes. La tête qui tourne à force de se battre pour entrer dans les petits espaces-galerie. Comme si on ne manquait pas déjà d'espace pour respirer, il fallait contourner une grosse BMW au milieu du hall (l'art ne vit pas sans les sponsors, mais on aurait quand même pu donner plus de place aux photographes italiens invités qu'à la grosse cylindrée!)

Bref je suis sortie en me disant que c'était plus pensé comme un marché que comme une exposition mettant en valeur le travail photographique. Ce à quoi j'aurais dû m'attendre, peut-être. Trop dense. Trop de foule. En arrivant à 16h un dimanche, forcément. Trop chers, le ticket d'entrée et le catalogue. Trop tutti frutti. Trop peu de légendes affichées, de mise en valeur de la démarche des photographes. D'un autre côté c'est rassurant pour les photographes de voir que les grands tirages de belles photos ont définitivement acquis leur statut d'oeuvres d'art à part entière, et commencent à se vendre à un bon prix.

Il y avait véritablement de tout: des tirages inédits et des anciens, voire antiques (vieilles gélatines...), des portraits, de l' environnement urbain, couleur, noir et blanc, des images retravaillées en tout genre. Une série paysage italiens (l'Italie étant pays invité) mais là encore trop peu d'espace entre les photos. Un peu comme ces conférences à l'autre bout du monde où vont les chercheurs pour présenter un papier en 5 minutes chrono, sans avoir le temps de le discuter: une expo-carte de visite? Toutes les grandes galeries européennes et américaines étaient là, d'une certaine manière mieux visibles que les artistes eux-mêmes. Mais les photos étaient littéralement les unes sur les autres.

J'aurais dû y aller plus tôt dans la journée, je le savais... J'aurais mieux apprécié les images en d'autres circonstances. En complément, ici une critique plus initiée (et moins bougonne!)

On m'a parlé l'autre jour de la MAC, manifestation d'art contemporain qui se tient le week-end prochain à la porte de Champerret, organisée sur le principe opposé: ce sont les artistes qui exposent en leur nom, pas de galeries. Rien que pour cela, j'ai envie d'aller voir.

Terroirs de Reuilly

Un air de week-end à la campagne. Beau soleil d'hiver samedi. Direction le bois de Vincennes, motivée malgré le froid (des plaques de glace dans l'étang, et du givre par terre encore à midi). J'ai couru un peu trop longtemps, ce qui m'a valu de passer le reste de la journée à récupérer...

Sinon, un sympathique marché des producteurs boulevard de Reuilly ce week-end. De quoi goûter pains d'épices, fromages fermiers, pâtés et rillettes, l'aligot tout chaud sorti de sa grande marmite... et les fameux farçous (spécialité de l'Aubrac, si je me souviens bien: pâte à crêpes, feuilles de bettes, jambon, agrémenté de girolles ou chataignes, le tout passé à la poêle en une délicieuse galette). Je suis revenue avec de belles noix qui ne coûtaient rien, des rillettes, du fromage et un gâteau mystère à goûter, dont j'ai oublié le nom! Une majorité de producteurs en provenance du sud-ouest, beaucoup de vendeurs de foie gras-cassoulet-rillettes (le foie gras et ses sous-produits...). J'y ai retrouvé deux amis et leurs bambins, les derniers ont apprécié le pain d'épice mais quand même préféré le terrain de jeu au bas du boulevard, donc on a partagé le temps entre les deux.

vendredi 16 novembre 2007

La Banquet des Cendres

Enthousiasmée par le premier spectacle d'Antonio Latella, je suis allée voir sa deuxième pièce présentée à l'Odéon - Théatre de l'Europe. La cena de le ceneri, en français le banquet des cendres, est l'adaptation d'un texte d'un certain Bruno, inconnu au bataillon pour ma part, qui y élabore une vision du monde et du cosmos à partir des thèses de Copernic (la Terre qui tourne autour du Soleil et sur elle-même, et pas l'inverse, à l'encontre des convictions de ce temps-là).

La pièce commence devant le rideau par un dialogue à quatre voix autour de conversations savantes et progressivement en vient, dans les tableaux suivants, à faire vivre les savants dont il est question. Les quatre comédiens excellent. Dans le rôle de l'intellectuel austère aux prises avec ses compères dans une joute oratoire, qui vire par moment à l'exercice de diction. Dans une première esquisse pour donner vie aux savants évoqués, où ils font se mouvoir des poupées, marionnettes grandeur nature qu'ils tiennent à bras le corps. Un joli travail sur le corps et sa représentation, qui aboutit à une scène véritablement mémorable (imaginez l'italien bavard qui parle avec ses mains de manière chronique, animant de ces mêmes mouvements les bras et les mains de la poupée de chiffon-marionnette qui lui colle au corps). Voir les photos en bas de page ici. Une belle idée de mise en scène, magnifiquement exécutée.

J'ai eu plus de mal avec la seconde moitié de la pièce. On passe à une scène où on trouve des personnages déguisés en savants et aristocrates du temps de Copernic (j'imagine), avec tout un attirail et des attributs qu'on a parfois du mal à comprendre (l'un porte une chaise sur son dos?!). Ils évoluent en douceur dans bassin d'eau, bruissements de l'eau qui coule en fond sonore. Se mettent à parler en anglais, qui avec un accent italien, qui avec un accent d'Oxbridge. Il devient plus difficile de suivre le dialogue, les comédiens sont à l'arrière de la scène, on les entend moins bien. Un personnage central austère, qui essaie de convaincre les autres, savants officiels ou pseudo-savants aristocrates de sa vision du monde, à contre-courant de l'esprit du temps.

Les choses se gâtent ensuite: cela finit par une condamnation en grande pompe de l'hérétique, dont on représente le procès et la sentence, puis l'éxécution (à mi-chemin entre l'évocation d'un bûcher et d'une crucifixion). Tout cela est très visuel et très sonore et on s'y perd un peu à en chercher le sens derrière les effets spéciaux. La fin surtout, plus que surprenante, trop décalée: projection sur grand écran des images d'une naissance en directe, gros plan sur la tête du nouveau-né qui émerge des entrailles de sa mère. Une telle utilisation de ces images brutes pour figurer l'idée d'une renaissance (intellectuelle, malgré l'élimination des hérétiques?), personnellement, ça ne m'emballe pas du tout. Cela me fait mal dans le bas-ventre, bien plus qu'autre chose... Sarà che sono una donna!

Sans conteste, le choix de ce type de texte pour une adaptation théatrale - un banquet philosophique - relève du défi. Il en sort de très bonnes choses et d'autres plus discutables. Mais au total un ensemble un peu décousu, inégal, avec quelques longueurs dans la seconde partie notamment.

Mon verdict: à voir pour l'excellence du jeu des acteurs, performance exceptionnelle à plus d'un titre. Jusqu'au 18 novembre, informations ici.

dimanche 11 novembre 2007

Y a-t-il une vie dans le 12ème?

Je suis arrivée un peu par hasard dans ce quartier il y a quelques mois à mon retour en France. La situation de l'immobilier étant ce qu'elle est, quand on n'y connait pas grand chose et qu'on n'a pas le temps de chercher, on prend ce qu'on trouve.

Finalement, je n'y suis pas mal. Sauf que je cherche encore la vie de quartier qui semble-t-il, n'existe pas vraiment... Déjà, trouver une cantine pour déjeuner les jours de semaine où j'y suis est un challenge. Il y a bien le marché d'Aligre mais difficile d'y dégoter un endroit sympa pour déjeuner correctement (comprendre: bon et sain à la fois, si possible!) à un prix abordable. Les tickets restos c'est bien sympa pour ceux qui les ont, mais pour les autres, cela fait quand même augmenter les prix, moi je dis.

Donc, la vie de quartier dans le 12ème. La prolifération de boutiques informatiques a défiguré quelques rues, certes. Quelques grands immeubles pas très jolis et ambiance tout-béton dans le quartier Saint Eloi et Montgallet.

La mairie fait des efforts en soutenant des activités permettant de mieux mettre en valeur l'arrondissement, comme le développement du viaduc des arts qui héberge des artistes et des artisans, le commerce de proximité ou équitable. Cela dit, au final, le coin de Reuilly-Daumesnil a plutôt pas mal d'atouts pour y habiter: loyers qui restent aborables, on est à deux pas du Faubourg Saint-Antoine et de Bastille, de la Coulée Verte, à quelques foulées du bois de Vincennes, et à proximité de la gare de Lyon, le tout bien relié par plusieurs lignes de métro, dont la 1 et la 14. Un marché sympathique et pas très cher Place d'Aligre. De quoi satisfaire un peu tous les goûts, non? En tout cas cela correspond assez bien à ce que je cherche à avoir près de chez moi pour l'instant. Avoir des cinémas à proximité. Etre près d'un parc pour aller courir le dimanche. Mes lieux de travail dans le 6ème et le 13ème sont facilement accessibles. Pour qui se déplace à vélo, Saint-Germain est à 20 minutes, moins le soir (testé).

Reste la question que beaucoup évoquent: comment faire pour recréer cette vie de quartier dont nous sommes nombreux à déplorer l'absence? C'est quoi une vie de quartier, déjà? Dire bonjour à ses voisins? Les retrouver chez le boulanger? Et puis?

J'ai déjà eu l'occasion de constater ailleurs que la vie de communauté est souvent un fantasme assez partagé, mais que peu sont prêts à véritablement animer, dès que cela suppose de s'exposer légèrement. Un peu comme les gens qui marchent sur les autres dans le métro avant de passer la soirée sur des sites de rencontres...

samedi 10 novembre 2007

Moby Dick à l'Odéon

Y aller ou ne pas y aller, compte tenu du boulot qu'il me reste à faire, j'ai tergiversé quelques jours. Puis, autant par goût du jeu que par envie de voir le spectacle, j'ai tenté ma chance au téléphone du Monde, et gagné 2 places. Voilà qui résoud le dilemme : -)

Moby Dick, d'après le roman du même nom. Comme prévu je suis donc allée jeudi au théâtre de l'Odéon voir ce spectacle d'Antonio Latella, remarqué à Avignon, pour lequel j'avais une invitation.

C'est à la fois une invitation au voyage et une réflexion sur le thème "Partir... à la recherche de quoi?", qui me parle personnellement, certes. On suit le personnage principal, un homme de terre, instruit, attiré de manière irrationnelle par l'épopée de la chasse à la baleine, en dépit du danger et des mises en garde. Il parvient à se faire accepter comme membre d'équipage sur un bateau et s'engage pour des mois, voire des années dans les mers déchaînées. Voyage terrible dans lequel les hommes des baleiniers affrontent à la fois les mers hostiles, les cétacés géants qui les peuplent, qu'il chassent au harpon dans un corps à corps entre le bateau et la bête, et enfin, inévitablement, eux-mêmes. La majeure partie de la pièce se déroule dans le huis clos du bateau en pleine mer. On y suit les espoirs et les déceptions des baleiniers, les doutes et leurs interrogations, les rixes, la rage et les réconciliations. La chasse à l'animal n'est pas une pêche ordinaire: le redouté, mais finalement si humain capitaine Achab (interprété par un des plus grands acteur italiens, Giorgio Albertazzi, octogénaire en grande forme!) cherche en fait à assouvir sa vengeance sur cette baleine mystérieuse, la plus grosse jamais vue, qui lui a fauché une jambe lors d'une campagne précédente. Existe-t-elle véritablement? Lui seul l'a déjà vue de ses yeux.

La mise en scène et l'adaptation du texte rendent très bien le côté mystérieux, voire mystique de l'épopée, où l'on perd parfois le sens de ce que l'on cherche, voire ses sens tout court. Le bateau se confond un temps avec un autel, avec l'irruption d'un prêtre et ses injonctions aux pêcheurs juste avant le départ. Au delà de la chasse à la baleine, les hommes sont en quête d'eux mêmes... La variation des langages constitue une trouvaille géniale: les marins s'expriment par moment en langue des signes, dont l'effet visuel est pleinement utilisé.

En résumé, une pièce qui nous transporte véritablement dans un autre monde, qui embarque le spectateur dans le voyage. J'y ai passé un très bon moment. L'Odéon est en outre un très beau théatre, avec ses balcons, ses dorures et son velours rouge. La particularité de sa programmation est d'accueuillir de nombreuses troupes étrangères, qui jouent leurs créations en langue originale surtitrée.

mardi 6 novembre 2007

L'Europe des peuples, le meilleur et le pire

De ces ailleurs où j'ai vécu ces dernières années, j'ai gardé des références un peu décalées... En flânant sur YouTube, je suis retombée sur mon émission polonaise préférée. En ces temps de (re-)lamentations sur l'Europe des bureaucrates et des gouvernements qui signent des traités se préoccuper des peuples, prenons les choses à la dérision, pour changer. Dans cet autre pays de l'euroscepticisme chronique qu'est la Pologne, la connaissance et la compréhension mutuelle dans l'Europe des peuples avancent à grand pas chaque semaine...

"Europa da sie lubic" (Que l'Europe s'aime), ou comment présenter les us et coutumes des autres européens sous leur jour le plus... pittoresque. On y trouve des représentants des principaux pays européens, mi-comiques mi-mannequins, joyeux drilles qui s'interpellent et se mettent en scène dans des situations de la vie quotidienne (qui pourraient être les nôtres), à grand renfort de stéréotypes. Le tout dans un polonais coloré par les divers accents des hôtes. J'ignore toujours pourquoi, la France est souvent absente ou bien mal représentée, pourtant ce ne sont pas les Français qui manquent en Pologne! La grande star du show est l'Allemand Steffen Müller, le plus à l'aise et le plus bavard aussi.

Inutile de dire que l'émission fait un tabac dans un pays où tant de jeunes aspirent à voyager voire à aller travailler à l'étranger. J'avoue qu'elle me fait bien rire aussi: c'est ainsi, quand on évolue dans un milieu où l'on côtoie des gens d'un peu partout, finalement, admettons-le, consciemment ou non, on rattache facilement les stéréotypes nationaux à des traits familiers. Quand le chauffard italien de service (napolitain de surcroît) se fait spontanément rattrapper par les stéréotypes sans même vouloir jouer la provocation ça donne ça:



On a même vu la chef de la délégation de la Commission Européenne participer à l'émission (la preuve ici)

A quand une version française? Mes souvenirs sont flous, as-ton vu un bref épisode sur une chaîne française, il y a longtemps?

dimanche 4 novembre 2007

Paris à travers ses personnages peu illustres

Deux mots d'un one-woman show détonnant, vu l'autre jour et bien apprécié: Dixlesic de Lauréline Kuntz.

Un monologue dynamique et coloré, des textes écrits par elle-même où chaque mot est choisi minutieusement, des personnages animés par une belle présence scénique, et une comédienne au débit impressionnant. Un spectacle difficile à décrire tant il brouille les genres (Lauréline est venue du slam), à la fois décapant et poétique, parfois salace sans être vulgaire, mélangeant bribes de vécu et création littéraire. Où l'on croise pêle-mêle les touristes de la Tour Eiffel, caïds et loubards, un tueur en série, les filles des beaux quartiers, une immigrée chinoise en mal de papiers, et le pauvre Gégé qui encombre le trottoir de ses odeurs. Des histoires en apparence bien de chez nous comme dirait l'autre, mais racontées de manière peu commune.

C'est Lauréline Kuntz au Point-Virgule, petit salle du Marais qui a fait des grands noms. Tous les mercredis, jeudis, vendredis et samedis jusqu'à fin décembre. Toute l'info ici.

On lui souhaite tout le succès qu'elle mérite!

Où dînez-vous avec vos parents?

Les parents en visite dans une ville où l'on vient à peine de débarquer, c'est pas toujours évident à gérer. Problème courant: je connais bien quelques restos sympas mais je ne vais pas pouvoir emmener mes parents là où je vais avec mes amis, quand même. C'est pas tout à fait le même style, disons!

Un ami m'avait donné une suggestion de choix: le Train Bleu, jolie brasserie belle époque au dessus de la Gare de Lyon. Je suis allée voir la carte sur leur site et je me suis dit que c'était plutôt à garder pour les grandes occasions! De toute façon, on s'y est pris trop tard pour réserver, déjà plein (le week-end de la Toussaint...)

Au final on a opté pour la facilité: Comme Cochons, juste en bas de chez moi. Bien mangé, prix corrects pour Paris (je commence à peine à m'y habituer), à noter que les accompagnements de viandes sont riches en bons légumes - et je ne veux pas dire pommes de terre.

Dans le même trip redécouverte de la cuisine française, un peu mon dada du moment, le lendemain nous sommes partis à la recherche d'une autre belle brasserie traditionnelle, pour finir à la brasserie 1900 à Montparnasse. Jolie salle en carrelage peint à l'avant, dommage qu'elle soit bruyante quand elle est pleine. Malheureusement plus de place à l'avant donc nous avons dîné dans un salon à l'arrière, beaucoup moins de charme. Service attentif et plats corrects, fruits de mer et poissons bien représentés sur une carte sans originalité. Un alsacien outré de se voir proposer une choucroute avec des saucisses de partout sauf de Strasbourg. Pour manger la choucroute (nullement l'intention), pour commencer nous étions à côté de la mauvaise gare...

Les joies du contrat de travail

Après des années sans véritable statut ni d'étudiant ni d'employé dans aucun pays européen bien que résidant et travaillant dans l'UE (la face cachée des organisations internationales), j'étais toute contente de savoir enfin qui j'étais et quelle case cocher dans les formulaires administratifs. Joie qui m'est vite passée quand j'ai compris dans quelle situation j'avais encore trouvé moyen de me mettre.

Première étape, signature du contrat de travail. On avait déjà joué la partie préliminaire, où j'essayais vainement d'obtenir que le contrat soit daté à la date de mon début d'activité. Peine perdue.

Round I, Service 1

- Bonjour, je suis venue me présenter comme je commence à travailler ici cette semaine, et j'aurais aussi une question pour vous... je voulais vous demander comment cela se fait que mon contrat soit daté du mois suivant, il doit s'agir d'une erreur?
- Vous ne devez commencer à travailler que dans un mois. Vous ne serez pas payée pour ce mois.
- Mais c'est la rentrée aujourd'hui, et on m'a recrutée pour la rentrée, alors je suis venue. D'ailleurs j'ai interrompu une autre activité pour venir travailler chez vous dès la rentrée.
- cela ne nous regarde pas, pour nous, vous n'existez pas
- et en plus je reviens de l'étranger et je n'ai plus de droit à la sécurité sociale, mes droits sont échus au titre de ma situation antérieure.
- ah mais vous vous rendez compte si vous vous cassez la jambe dans l'escalier? vous ne devez pas travailler en septembre.

Round I, Service 2

- Bonjour, je suis venue me présenter comme je commence à travailler ici cette semaine, et j'aurais aussi une question pour vous...
- Vous ne devriez pas travailler en septembre.
- Mais la rentrée est fixée début septembre, j'ai été recrutée pour commencer mes cours au premier trimestre comme tout le monde. Comment se fait-il que les contrats ne correspondent pas à la date de la rentrée?
- Le poste n'est pas vacant en septembre. (comprendre: quelqu'un d'autre est visiblement payé pour le travail que JE fais pendant ce mois! Heureux élu!)
- Mais je ne comprends pas: le poste n'est pas libre en septembre 2007 mais mon contrat ne couvre pas septembre 2008 non plus. Donc en plus vous m'employez sur 11 mois pour faire le travail correspondant à 12 mois. Vous pouvez m'expliquer?
- Vous faites XX heures de bénévolat. Vous acceptez ou non?

Round II (un mois plus tard)

- Mais comment est-ce que cela se fait que vous n'ayez pas encore d'adresse sur place?
- Errrm, je me voyais mal déménager avant d'avoir un contrat de travail. De toute façon j'aurais eu du mal à financer une caution avant de percevoir un salaire.
- (pas le moins sourcil émotionné)
- vous pourriez m'expliquer quelles sont les démarches à faire pour obtenir ma nouvelle carte de sécurité sociale? Quelle est ma caisse primaire ou dois-je la choisir moi-même?
- Ben, c'est la même caisse que quand vous etiez étudiante.
- La dernière fois que j'étais étudiante en France c'était il y a quatre ans et à l'autre bout de la France...
- Ah, mais vous n'êtes pas inscrite en thèse chez nous?
- Non, puisque je suis inscrite ailleurs...
- Ah, alors je ne sais pas, je vais demander à mes collègues... (5 min plus tard) Je me suis renseignée, alors ne sait pas vraiment mais on pense que c'est la caisse XX. Vous devez allez leur demander comment procéder.
- Je vois. Et mon contrat de travail, vous m'en renvoyez une copie?
- Oui on vous la retourne à votre casier, mais cela va prendre quelque temps...
- Mon casier?
- Ben oui, comme tout le monde vous devez avoir un casier dans le bâtiment Y
- je ne suis pas sure, on m'en a jamais parlé, vous ne pouvez pas plutôt me l'envoyer dans le bâtiment Z, à mon bureau, c'est juste en face?
- non, nous en envoie le courrier au bâtiment Y, et pas au bâtiment Z. C'est comme ça.
- et j'aurais aussi une carte d'enseignant je suppose?
- Ah non, on peut pas vous donner une carte de fonctionnaire puisque vous ne l'êtes pas!
- je vous parlais d'une simple carte de rattachement à l'université qui indique que j'y enseigne. Les etudiants ont bien une carte, les enseignants non?
- en principe, non, je ne sais pas... il faudrait contacter un autre service...
- Je vois. Et mon email, maitenant que j'ai mon contrat, je peux avoir un email enfin, non?
- oui, en principe, je vais le chercher...

(ouf, c'est déjà cela de gagné...)

Benvenuto

Quelques années de vadrouille en Europe m'ont permis d'apprécier les tips dénichés sur internet et les blogs qui par-ci par-là ont grandement éclairé mon chemin et guidé mes découvertes. De retour en France avec un brin d'exotisme toujours dans la tête et le coeur, j'ai moi aussi envie de partager bons plans, bons coins et billets d'humeur, et mon regard parfois familier, parfois interloqué à la redécouverte de Paris. Ou Paris vu de l'extérieur et vécu de l'intérieur, sous le regard d'une "réimpatriée", comme on dit dans le monde des affaires. Bonne lecture et n'hésitez pas à réagir, suggérer, commenter.
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(photo ©Tiusha)