lundi 9 novembre 2009

Berlin, avant-hier

Ou presque. On fête aujourd'hui le mur abattu, le moment critique, la page d'histoire qui se tourne.

Il est bon de se rappeler de temps en temps combien il est bon de vivre dans une démocratie, fut-elle dirigée par N S (qui d'ailleurs, soit dit en passant, a la mémoire qui flanche un peu, et n'était pas à Berlin le 9 novembre 1989).

Je me rappelle les conversations avec la mère d'une amie, qui avait fuit la RDA dans les années 1970. On croit souvent que ceux qui fuyaient étaient tous anticommunistes. Il y avait aussi pas mal de désillusionnés et de déçus.

Improbable départ dans le secret le plus total, pas un mot à la famille, pas un mot aux amis, les passeports est-allemands laissés dans un appartement vide. Partis avec de faux passeports sans laisser d'adresse. Deux routes différentes par la Hongrie, lui passe, elle est arrêtée pour une agrafe mal placée sur la photo. Arrêtée sans savoir ce qu'il est advenu de son compagnon. Prison, interrogatoires qui s'enfilent, le tout en Hongrie. Beaucoup d'histoires inventées, gagner du temps, une seule question qui importe, est-il passé à l'ouest, lui? La peur de la torture, le doute, l'espoir alimenté par une preuve manquant à l'étalage: ils n'ont pas son passeport. Elle rirait presque de l'amateurisme de la police hongroise, la stasi aurait été une autre paire de manches. Avec la certitude qu'il était tiré d'affaire, sorti de l'enfer, elle a joué la jeune fille effacée qui n'avais fait que suivre son amoureux; c'était lui qui avait tout planifié. De quoi alléger la peine.

Histoire incroyable que celle de ce couple. Deux jeunes de 25 ans qui croyaient à l'utopie communiste mais la voyaient mise à mal par la répression et sans issue en RDA. Séparés pendant plus d'un an sans savoir où était l'autre, s'il vivait ou pas, à l'est, à l'ouest, libre ou en prison. Il y a eu des milliers de fugitifs et des centaines d'histoires semblables.

En ce temps la RFA achetait les prisonniers politiques, en premier lieu les fuyards. Mais la RDA lui refilait aussi parfois des prisonniers de droit commun dans le lot, pour le même prix, histoire de gonfler la note. Un marché bien juteux pour faire entrer des devises dans l'économie est-allemande. Une aubaine pour les prisonniers, mais aussi une sorte d'économie parallèle en somme. Elle nous raconte l'attente, l'angoisse: certaines prisonnières sont emmenées, sans savoir si elles atterriront pour autant à l'ouest. Certaines sont relâchées à l'est, l'échec cuisant, le pire, tout ça pour rien, et retour forcé au plus bas niveau de l'échelle sociale. Beaucoup de fugitifs réintégrés parmi les éboueurs et les gardiens de cimetière. Certaines reviennent à la prison, le drame. Elle est sortie lors d'une de ces opérations d'achat de prisonniers. Vendue par son pays. Et bien contente de l'être.

Ils ont vécu à Berlin depuis. Loin du mur, mais avec la vue sur la Fernsehturm, symbole de l'est, au début. Destins poignants.


En passant, je trouve l'idée des dominos très réussie: belle manière de symboliser un mur perméable, sans entraver le regard ni le passage, et la chute progressive mais inéluctable...

J'y étais il y a une semaine; j'aurais voulu y être aujourd'hui aussi.

1 commentaire:

C. a dit…

Super beau ton post du jour... Moi qui trouvait qu'on en faisait trop pour cette comémoration. Tu as su trouver le ton juste!